L'abbaye de Haute fontaine
L'histoire
L’abbaye de l'ordre réformé de Citeaux aurait vu le jour à l’époque où St Bernard peupla la Champagne de religieux vers le XIIeme siècle. Les auteurs de la Gallia christiana fixent sa fondation au huitième jour des ides de juillet 1136 par des moines venus de Trois-Fontaines avec à leur tête Raoul, le premier abbé, choisi par Bernard de Clairvaux. Située à quelques kilomètres de l'abbaye-mère, Haute-Fontaine s'établit sur un terrain donné par Isambard de Vitry. Elle est donc fille de Trois Fontaines au nord de Saint Dizier.
Paroisse indépendante sous l'ancien régime, le hameau de Hautefontaine est rattaché à la commune d'Ambrières depuis 1792.
Hautefontaine a été conçue selon le plan type du monastère cistercien réduit à l'essentiel : l'église cruciforme, dont le choeur est tourné vers le soleil levant, le quadrilatère des galeries du cloitre qui s'y appuie, au sud.Sur les trois autres cotés du cloitre s'ouvrent les batiments nécessaires à la vie du moine : dortoir, salle de réunion, réfectoire.
Le moine est soumis à ses supérieurs: il y en a trois, l'abbé, le prieur et le sous prieur. Le moine cistercien consacre 6 heures à 6heures 30 aux offices liturgiques et 9 heures aux activités diverses: travail manuel, réunion de chapitre, classe de chant.
L'abbaye avait pour mission d’accueillir et d’offrir le gîte aux pauvres voyageurs et de servir de maison de santé à ses religieux convalescents.
Pillée pendant la guerre de Cent Ans, l'abbaye fut à nouveau brûlée en 1544 par les troupes de Charles Quint. Le premier abbé commendataire, Jean de Montluc (1547-1559), entreprit à partir de 1552 une campagne de travaux et fit ériger notamment un mur d'enceinte afin de prévenir toute nouvelle attaque.
A partir de 1670, l'abbé Le Roy reconstruisit le monastère autour de l'église duXIIeme siècle. Le logis abbatial comportait de vastes salles, magnifiquement décorées de boiseries, des escaliers majestueux ornés de rampes en fer forgé. Il n'avait pas négligé l'aménagement du parc où il se promenait volontier.
Elle fut vendue à la révolution. A cette époque huit moines résidaient à Hautefontaine.
En 1792, les bâtiments furent vendus à M Henri Lepage, maitre de forges à Eurville au prix de 361 300 livres. Pour ce prix, il achetait:le monastère,2 fermes: la ferme de Beau soleil et la ferme de la Bouverie.
L'abbaye eut par la suite d'autres propriétaires tel M Williame maire d'Ambrières de 1837 à1848 puis
Raymond Onfroy de Bréville qui fut le premier à s'étonner que la surface des caves n'était pas en rapport avec celle des bâtiments, puis M Roze et Mme Lemoine.
Dès 1840, l'église abbatiale était démolie.Le maître autel du XVII eme siècle a été donné à l'église de Sainte Livière, il rejoignait ainsi la seule cloche de Hautefontaine qui avait échappé aux réquisitions de la Révolution.C'est probablement à cette époque que l'horloge fut transférée à l'église d'Ambrières .
Cette horloge restaurée a été transférée plus récemment à la mairie d'Ambrières.
Encore en bon état en 1950, l'abbaye fait l’objet d’une demande d’inscription aux monuments historiques en 1974. En 1979 ,l'abbaye est inscrite à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, comme ruine, ce qui n'empèche pas la dégradation continuelle.
Elle est malheureusement livrée depuis les dernières décennies à un abandon total où la main de l’homme se révèle beaucoup plus destructrice que le lent écoulement des siècles. Cette destruction est d’autant moins acceptable qu’elle risque d’oblitérer à terme jusqu’au souvenir de cette présence passée. Or l’abbaye, pour modeste qu’elle ait été, a joué un rôle historique de première importance comme centre clandestin de publication des écrits jansénistes.
L'abbaye:foyer janseniste
Courant religieux et doctrinal nommé d'après son initiateur, Jansénius, évêque d'Ypres (mort en 1638)et édité dans son ouvrage l’Augustinus publié après sa mort en 1640 .
Cette doctrine fut défendue par Port Royal par l’abbé Le Roy.
Le jansénisme a conquis aux XVIIe et XVIIIe siècles de vastes régions de France, de Belgique, de Hollande, d'Italie et d'Allemagne et a eu de nombreux partisans célèbres tel Blaise Pascal (1623-1662) Philosophe, savant et apologiste de la foi chrétienne.
Il peut grossièrement se définir par les principes suivants :
• rigueur morale extrême;
• doctrine basée sur la grâce;
• valeur exclusive accordée à l'écriture, aux Pères de l'Église;
• mystique du coeur;
L’abbaye devint un foyer janséniste. L’abbaye fut un centre de diffusion du jansénisme en Lorraine voire de liaison avec le jansénisme étranger. On y composa des ouvrages, libelles et réfutations qui portaient le cachet d’Amsterdam et d’Utrecht mais sortaient de la presse clandestine de Hautefontaine.
On est en droit de penser que des fouilles pourraient permettre de découvrir l’imprimerie clandestine des jansénistes.
La doctrine du jansénisme basée sur la grâce a été vigoureusement condamnée en 1653 (condamnation renouvelée en 1715 dans la bulle papale Unigenitus), elle comportait notamment la croyance que Jésus est mort pour quelques élus et qu'une masse nombreuse est prédestinée à la damnation.
Ref : Mémoires de la société d’agriculture, commerce sciences et art du département de la Marne année 1991 tomme CVI par Madame Lecointre.
