De la protohistoire à la Révolution : une traversée du temps au cœur de la Champagne.
Introduction
À Ambrières comme partout en France, l’histoire a suivi son cours.
Quelques archives permettent de reconstituer des étapes pittoresques de cette histoire :
la protohistoire, les seigneurs médiévaux, la Jacquerie, la Révolution,
ainsi que les us et coutumes de nos ancêtres.
Les Noms et Origines
Quelle est l'origine du nom de la commune ?
Plusieurs hypothèses ont été avancées au fil du temps pour expliquer l’origine du nom
Ambrières.
Étymologie latine et germanique
Selon le Dictionnaire des communes de J. Chalette,
Ambrieris viendrait de am (hameau) et bruarium ou
bruera (bruyère).
Cette hypothèse semble toutefois peu probable, compte tenu de la flore locale.
Une autre piste évoque Ambreriae comme nom de personne,
d’origine germanique, latinisé à la période mérovingienne en Ambricus,
devenu ensuite Ambruarum.
Pour F. Vachey (Les noms de lieux de la Marne),
la racine serait plutôt Amera, signifiant « osier ».
Hypothèses celtiques
D’autres hypothèses, d’inspiration celtique, paraissent plus séduisantes.
Hypothèse 1 : la tribu des Ambrons
La tribu des Ambrons (Ambrones) apparaît au
IIe siècle avant J.-C..
Elle migre avec les Cimbres et les Teutons
entre 119 et 114 av. J.-C.
Originaires :
soit des côtes nordiques (îles frisonnes, Jutland — Danemark),
soit d’Helvétie.
On les suppose Celtes, leur nom étant proche de celui des tribus des
Ambiens ou des Ambarres.
Ils auraient probablement traversé à plusieurs reprises la région d’Ambrières,
avant ou après les batailles d’Arausio (105 av. J.-C.)
et d’Aix-en-Provence (102 av. J.-C.).
Accompagnés de leurs familles, ils recherchaient des terres paisibles où s’installer.
Hypothèse 2 : Ambrosius Aurelianus
Moins probable, mais intéressante, cette hypothèse renvoie à l’époque d’Attila.
En 451, ce dernier fut battu par les Romains aux Champs Catalauniques
(près de Châlons-en-Champagne) grâce à l’aide de troupes bretonnes
venues de l’actuelle Grande-Bretagne.
Or, à cette époque, leur roi se nommait Ambrosius Aurelianus
(ou Emrys).
Certains de ses soldats, ne souhaitant pas retourner affronter les Pictes,
Saxons et Angles, seraient restés dans la région.
Leur animal emblématique était l’ours (Artio) —
coïncidence troublante, car la tradition orale attribuait ce surnom aux habitants
d’Ambrières.
De plus, l’ancien village, probablement situé à l’emplacement de l’école et du cimetière
(selon un archéologue local), occupe une position élevée typique des
forteresses celtiques, bordées de palissades et d’un fossé (grande rue).
Référence : Bernard Félix (Historia), Wikipédia.
Nom des habitants
On appelle aujourd’hui les habitants d’Ambrières les Ambrièrois.
Mais traditionnellement, on les surnommait : les ours.
Dans les villages voisins, d’autres sobriquets existaient :
L’habitat protohistorique de la limite entre Ambrières et Laneuville-au-Pont
Le site du « Haut des Vignes » se trouve de part et d'autre de la limite des territoires de
Laneuville-au-Pont (Haute-Marne) et d’Ambrières (Marne). Il est situé sur la moyenne terrasse
de la Marne, qui coule à environ 300 mètres au nord. La différence d’altitude entre le plateau et la rivière
est de 26 mètres. Le sol est formé d’une épaisse couche de limons argileux reposant sur les marnes de l’Albien supérieur.
La station de surface localisée à cet endroit a fourni un important mobilier lithique :
armatures de flèches, perçantes et tranchantes, grattoirs, racloirs,
lames, fragments de haches polies et molettes.
En quelques points bien localisés se trouvaient des tessons de céramique non datables.
À la suite d’un labour profond, un nombre important de fragments de poterie fut mis au jour.
Il semble que l’on puisse rattacher le mobilier découvert dans cette fosse à une phase indéterminée du
Hallstatt ancien (phase finale des Champs d’urnes). Cela nous placerait, en datation absolue,
vers 700 à 650 avant J.-C., ce qui correspondrait à l’introduction du fer dans la région,
comme semble l’indiquer la hache à douille.
L’environnement de l’époque, étudié par le Dr J. Heim du laboratoire de palynologie de Louvain,
permet de penser qu’il s’agissait alors d’un paysage dénudé où l’on notait cependant la présence
de quelques cultures et de prairies dans les environs immédiats. La forme irrégulière et très évasée de la fosse
permet de supposer qu’il s’agissait d’une petite extraction d’argile,
qui servit ensuite de dépotoir (tessons très fragmentés, charbons de bois, minuscules boulettes de terre cuite),
établi non loin d’une habitation faisant partie d’un village d’agriculteurs dont les vestiges restent à découvrir.
Pierres taillées retrouvées sur le site du Haut des Vignes
(*Dr J. Heim – laboratoire de palynologie et phytosociologie, Louvain-la-Neuve, 30/06/1977)
D’après Louis Lepage, Préhistoire et protohistoire en Champagne-Ardenne, n°2, 1978.
Ces textes sont la copie de documents intitulés « Antiquité d’Ambrières ».
« Village et paroisse sur une colline, sur le bord de la Marne, au-dessous de Saint-Dizier, Ambrières est dépendance
de la baronnie d’Esclaron. Monseigneur le Duc d’Orléans en est Seigneur. Cette terre fait partie de la principauté
de Joinville et relève de la couronne.
Il y a dans cette paroisse les fiefs de La Rochelle et d’Anglebert qui appartiennent au sieur de Martinet, écuyer,
plus le fief de Queux appartenant au sieur André de Bar-le-Duc, qui l’a donné en dot à sa fille, femme du sieur de Comble,
seigneur de Plichancourt, loué 450 livres. La ferme de Merluet appartient à M. d’Anfreville, vendue à la dame veuve Baudion
de Vitry. Le fief d’Anglebert était autrefois orné d’un château, à présent détruit ; il appartenait au sieur du Havran
de Ham de Boursin, le tout loué 50 setiers de froment et 150 livres, non compris les vignes.
En 1173, Richer, dit d’Ambrières, a été témoin appelé à la garde de donation que fit Guillaume de Dampierre de sa portion
de dîme de Sainte-Livière à l’abbaye de Huiron. Il avait Neuville pour annexe en 1660, mais, vers ce temps, la désunion en a été faite.
La nomination à la cure a été donnée à l’abbaye de Montier-en-Der par Hugues, évêque de Châlons, à la demande de frère Varin,
moine, et pour l’amitié de dom Roger, abbé, en l’an 1110, à Châlons. »
Blasons des seigneurs d’Ambrières
Les anciens seigneurs d’Ambrières
Estienne d’Ambrières, seigneur de Queux, et Agnès sa femme, en juillet 1240, ont vendu à
l’abbaye de Saint-Pantaléon la ferme de la Grange-aux-Bois pour 50 livres.
Jérôme d’Ambrières, mort en 1616 à l’âge de 82 ans, fut inhumé au chœur de l’église avec sa femme
Catherine de Cantiers, morte en 1593 à 42 ans. Il était seigneur d’Anglebert et de La Rochelle.
Leur épitaphe porte l’inscription suivante :
« Ci-gît Hiérome d’Ambrières, écuyer, sieur d’Anglebert et de La Rochelle, et Damoiselle Catherine de Cantiers, sa seule épouse,
le sieur ayant servi quatre rois de France en l’ordonnance de la Gendarmerie de la maison de Lorraine, en suite de ses
prédécesseurs cy-devant inhumés, est décédé le 12 décembre 1616, âgé de 82 ans et 8 mois, et ladite Damoiselle le
17 janvier 1593, âgée de 42 ans. Priez Dieu pour leurs âmes ! »
Il est mentionné qu’il repose auprès de ses pères. Un plan ancien de la commune indique des emplacements aujourd’hui
disparus ou méconnus, tels que l’ancien fief de La Rochelle, la pièce d’Anglebert (dite pièce du château),
ou encore l’ex-fief de Queulx.
Les deux paysans labouraient le sol avec application. Sans mot dire, ils creusaient les sillons qui, bientôt, recevraient la graine porteuse des futures récoltes. Il faisait un soleil magnifique, mais l'air était encore vif. Le printemps s'annonçait tôt cette année-là.
Paysans labourant – Représentation médiévale
Tout à coup, Rémi, que l’on surnommait « le Briard », leva la tête : « J'entends les chiens ; la chasse vient de nos côtés. » Son compagnon répondit : « Notre seigneur d’Ambrières entreprend de bien bonne heure ses battues… » Ils s'interrompirent ; la chasse se rapprochait à grand fracas.
Chasse au sanglier – fresque médiévale
Les chasseurs passèrent le gué. Puis, un cheval isolé surgit. Des cris ! Une cavalière tombée dans la Blaise appelait à l’aide. Rémi se jeta à l’eau, atteignit la jeune femme et ramena sa monture à la berge. Il reconnut alors la dame d’Ambrières elle-même. Honteuse, elle voulut les récompenser, mais Rémi répondit : « Nous ne sauvons pas un chrétien pour quelques écus. Reprenez votre bourse et dites à Messire d’Ambrières que nous ne demandons rien d’autre que justice et protection. »
Quelques semaines plus tard, sur la place du village, le procureur lut un parchemin : les tailles seraient doublées. Le mécontentement grandit ; les plaintes se changèrent en colère. On refusa de payer. La Jacquerie éclata.
Les Jacques prennent les armes – enluminure du XVe siècle
Saint-Dizier fut prise, puis les bandes marchèrent sur Ambrières. Le château résista, mais les paysans, en surnombre, l’emportèrent. Guillaume d’Ambrières fut précipité du haut du donjon. Rémi fit fuir la châtelaine, la sauvant une seconde fois, avant que la forteresse ne s’embrase.
La prise de Meaux – chronique du Moyen Âge
Les Jacques poursuivirent leur route, mais furent bientôt encerclés et massacrés « tant que le regard ne les pouvait dénombrer ». Ainsi s’éteignit dans le sang la grande révolte paysanne de Champagne.
La dernière noble dame, Élisabeth-Sophie Martinet, fille majeure de feu Charles Henri Martinet, seigneur d’Anglebert et de La Rochelle,
épousa en 1791 Joseph Nicolas Colin, chirurgien et plébéien, pour échapper aux tracas faits aux nobles à cette époque.
À la mort de la dame, Joseph Nicolas Colin s’aperçut, mais un peu tard, qu’il s’était fait berner...
Vous trouverez :
Contrat entre E.S. Martinet et J.N. Colin, 22 août 1790
Copie de l'acte de mariage
Copie du registre d’état civil relatant la mort de la dame
Copie des doléances de J.N. Colin au tribunal révolutionnaire
Copie des témoignages en sa faveur
Nota bene : un certain nombre de fautes d’orthographe sont présentes dans ces textes.
Elles sont reproduites fidèlement à partir des documents originaux (copies des minutes du procès
réalisées aux Archives nationales et aux Archives de Châlons-en-Champagne par Madame Lecointre).
Contrat entre E.S. Martinet et J.N. Colin – 22 août 1790
Par devant en sa prévôté des baronnies d’Éclaron et de Roche-sur-Marne réunies, fut présente
Demoiselle Élisabeth Sophie de Martinet, ci-devant dame d’Anglebert et de La Rochelle, demeurant à Ambrières,
laquelle constitua pour son procureur et spécial mandataire le sieur Joseph Nicolas Colin, maître en chirurgie,
demeurant audit Ambrières. Elle lui donna pouvoir de gérer et administrer ses biens, faire baux, ventes, récoltes,
améliorations, actions et quittances, promettant ratification et obligeant tous ses biens présents et à venir.
Fait et passé audit Ambrières en la maison de ladite demoiselle de Martinet, ce jourd’hui
vingt-deux août mil sept cent quatre-vingt-dix, après-midi, en présence des témoins Germain Champenois et François Le Berteux.
Acte de mariage – 28 février 1791
Mariage de Joseph Nicolas Colin, de Bar-le-Duc, de fait de la paroisse d’Ambrières, et
Élisabeth Sophie Martinet, fille majeure de feu Charles Henri Martinet d’Anglebert et de La Rochelle
et de feu Marguerite Briot. Mariage célébré par J.-C.H. Colin, prêtre religieux de l’ordre de Cîteaux,
frère de l’époux. Témoins : La Brèche et Haldet, cousins. Relevé du registre d’état civil d’Ambrières.
Constat des circonstances du décès de Sophie Martinet
Le 7 messidor an II, le citoyen Antoine Thiersé, juge de paix du canton d’Hauteville,
assisté de Charles Rigny et Jean Nicolas Millot, membres du conseil municipal d’Ambrières,
déclara que la citoyenne Élisabeth Sophie Martinet, épouse de Joseph Nicolas Colin, maire d’Ambrières,
était décédée la veille, vers cinq heures, sur le chemin d’Ambrières à Landricourt, écrasée accidentellement
sous les roues d’un char de foin. Transportée sans vie à son domicile, elle fut inhumée au cimetière de la commune.
Fait à Ambrières, signé Rigny, Bizot, Thiersé et Millot, officiers municipaux.
Certificat de décès – 7 messidor an II
Lecture faite du procès-verbal par les citoyens Rigny et Millot, attestant le décès de
la citoyenne Élisabeth Sophie Martinet, âgée de quarante-six ans, épouse du citoyen Colin.
Rédigé à Ambrières le 7 messidor an II, signé Thiersé, Rigny, Millot et Bizot.
Supplique de J.N. Colin, chirurgien à Ambrières
Aux représentants du peuple composant la Convention nationale, le citoyen Joseph-Nicolas Colin
expose avoir été victime d’une perfidie sans exemple : ayant épousé Élisabeth-Sophie Martinet, ci-devant noble,
par reconnaissance et confiance, il découvre après sa mort qu’elle ne l’avait épousé que pour se mettre à l’abri
des persécutions révolutionnaires, et que les biens donnés par contrat de mariage ne lui appartenaient plus depuis 1784.
Colin décrit ses sacrifices, la perte de sa profession, et demande à la Convention de statuer sur ce type
de tromperies entre nobles et roturiers, suggérant une loi annulant toute donation antérieure au 14 juillet 1789
faite entre nobles, lorsque l’un des conjoints épouse un plébéien.
Signé : Colin
Témoignages en faveur de J.N. Colin
Le Conseil général de la commune d’Ambrières atteste que Joseph Nicolas Colin, chirurgien,
a toujours été un honnête homme et un patriote. Envoyé à Paris pour la Fédération du 14 juillet 1790,
puis à Châlons pour celle du 14 juin 1791, il a servi la République avec zèle.
Les témoins confirment qu’il a soigné gratuitement les indigents, géré et amélioré les biens de son épouse,
et qu’il fut trompé dans sa bonne foi. Témoignages datés du 3 thermidor an II et signés par les officiers municipaux
et membres du comité de surveillance d’Ambrières.
Copies établies d’après les minutes conservées aux Archives nationales et aux Archives de Châlons-en-Champagne.
Cette rubrique, un peu pagaille, vous présente différents aspects des us et coutumes de notre village.
Elle a été élaborée à partir d’une partie seulement des documents en ma possession.
On pourrait l’intituler : "Comme disait mon grand-père…"
Les professions des habitants en 1728
Aujourd'hui, la majorité des habitants travaillent dans la ville voisine,
quelques-uns restent agriculteurs ou artisans.
Le dénombrement de 1728 nous indique un tout autre paysage :
Ambrières comptait 248 habitants répartis ainsi :
16 vignerons
7 laboureurs
28 manouvriers (ouvriers agricoles)
1 varcoltier (profession inconnue)
1 voiturier
1 charron
1 domestique
1 tisserand
2 menuisiers et 2 charpentiers
1 berger et 1 pâtre
1 bacquier (passeur de la Marne)
1 maréchal
1 cabartier
1 recteur d'école
Documents historiques
Les documents suivants sont disponibles sous forme de scans d’époque.
Parcourez-les dans le carrousel ci-dessous :
1758 : hiver meurtrier, 32 décès dont 19 de moins de 21 ans
1790 : ouragan brise la toiture de Beausoleil (Hautefontaine)
1821 : grêle
1942 : ouragan endommage le toit de l’église
1999 : tempête
Traverser la Marne
Le pont actuel date des années 1950.
Avant 1868, on utilisait un gué, des barques ou nacelles, puis un bac.
En 1818, le passeur était Baillat, unique habitant de la rive droite.
Questions historiques sans réponse
Fossés et puits très anciens dans le cimetière, ruelle des bergers très encaissée…
Découverte en 1894 d’une sépulture datant du Ve ou VIe siècle.
Où était le village gaulois ?
Existe-t-il d’autres traces de nos ancêtres à Ambrières ?
Emplacement du château, fief de La Rochelle et d’Anglebert (noble Martinet).
Abbaye de Hautefontaine et ses caves, souterrains et écrits jansénistes : que reste-t-il ?
Que sont devenus les restes de Hiérome d’Ambrières au moment du déplacement de l’église au début du XXe siècle ?